La Cubette


Le chemin est bordé de fougères ; sur le sol, de grosses limaces orange, le bruit de mes pas ; les petits œillets roses que j’avais rencontrés l’autre jour ; une voiture approche ; que fait-elle sur ce sentier ; un homme au volant me salue ; les cloches d’une église ; mon pied bute sur une pierre ; de grandes flaques retiennent un morceau de paysage ; le chemin s’ouvre sur une campagne que je n’avais pas pris le temps d’observer l'autre jour en marchant avec Marie-Claire ; je vois maintenant des roseaux, une terre marécageuse ; un étang ; un panneau indiquant propriété privée, défense d’entrer ; sous mes pieds, un chemin de pierres, plus dur, plus chaotique ; la piqûre d’une tique me gratte au creux du genou gauche ; une bifurcation se présente sur la droite ; je la délaisse par peur de me perdre ; un champ de maïs.

Le chemin arrive sur une petite route goudronnée ; au loin la rumeur d’une route plus grande ; un panneau-stop sur la gauche ; je prends sur la droite ; un sol régulier, silencieux se glisse sous mes semelles; il y a maintenant le bruissement des feuilles et le rythme de mes pas ; des marguerites se balancent dans un pré ; des rouleaux de foin en équilibre sur une pente et puis deux maisons qui s’avancent ; la peur de rencontrer des chiens ; des sapins morts déplumés émergent des cimes ; un buisson de genêts ; des bouleaux ; la route tourne en direction du village ; une odeur d’herbe mouillée ; des corbeaux croassent ; l’horizon s’arrête au bout d'un champ ; le vent apporte avec lui la rumeur du village ; à l'entrée, un grand noyer m’accueille ; je compte les maisons ; il y en a cinq ;  cinq maisons et trois ruches au bord d’un jardin ; à la sortie, une croix en pierre adossée à un cyprès.

Je quitte le village par un chemin herbacé  ; quatre arbres morts plantés dans un champ ; une maison dans le creux d’un vallon : les nuages sont si bas qu’ils forment une brume ; j’entre dans un sous-bois ; un sol boueux ; les arbres s’égouttent de l’orage de la nuit ; avec le parfum des feuilles humides me vient le souvenir de l’automne ; la peur d’arriver en retard m’éloigne de la forêt ; mes pas s’accélèrent ; des cordes bleues nouées sur le bord du chemin retiennent une forêt de sapins ; un petit cours d’eau passe sous le chemin ; le roucoulement des tourterelles ; à nouveau j’entends le bruit d’une route au loin ; mes pieds sont trempés ; la forêt est principalement habitée de hêtres, de longs fûts élancés, immobiles ; j’arrive à la fourche, j’ai fini ma boucle ; il me reste encore quelques centaines de mètres avant d’arriver à La Cubette ; il est 8h35, je ne serai pas en retard ; mes pas ralentissent ; un chemin en sous-bois sur la droite ; à la lisière, la campagne s’ouvre ; j’aperçois les deux maisonnettes blanches ; Luc est debout au milieu d’une prairie ; quel est le nom de cet oiseau dont le chant résonne à travers les arbres ?