MAISON

    

    


Voilà maintenant plus de dix ans que la maison a été vendue. Chaque été, je loue un gîte à une vingtaine de kilomètres du village où elle se trouve sans jamais prendre la route qui mène jusqu'à elle. Je préfère m’y rendre à l'aube, par le chemin des derniers rêves de la nuit, les plus tenaces, ceux qui imprègnent la journée jusqu’au soir. J’y entre clandestinement. Derrière ses volets clos, j’arpente les pièces unes à unes, monte au grenier, ouvre les placards, feuillette les livres, me cache derrière la portière au bout du couloir. Je sais que je ne devrais pas me trouver là. S’ils me voyaient, les voisins me reconnaîtraient, me dénonceraient. Pourtant, je n’ai pas peur. Mon corps est habillé d’une transparence qui me protège. Je suis chez moi, la maison me préserve. 
Personne ne peut m’en chasser.